Mining, staking et lending : incertitudes sur le régime d'imposition
28 mai 2024
Article rédigé le
Les cryptomonnaies, et plus largement la finance décentralisée (decentralized finance, ou DeFi), a créé de nombreuses opportunités telles que le mining, le staking, le lending, le farming ou encore le airdrop. Toutes ces opérations issus de la DeFi sont très récents, et n’ont pas été encore pleinement appréhendées par le droit fiscal.
Cet article reprend les quelques règles établies sur la fiscalité du mining, du staking et du lending, ainsi que les incertitudes qui subsistent en la matière. La plupart de ces règles fiscales n’étant pas encore figées et étant encore sujettes à interprétation, il est nécessaire de se tenir au courant des modifications législatives qui pourraient intervenir.
Sommaire
1. La fiscalité du crypto mining : une imposition en Bénéfices Non Commerciaux (BNC)
2. La fiscalité du staking : des règles semblables au mining ?
3. La fiscalité du lending : des incertitudes plus nombreuses encore
4. Face à ces zones d’ombre, que faire ?
Se rapprocher d’un professionnel :
Il peut être opportun de se rapprocher d’un professionnel de la fiscalité afin de réaliser ses déclarations de revenus, notamment si les montants perçus au titre de ces opérations sont élevés.
Le régime fiscal applicable à ces revenus passifs en actifs numériques n’étant pas encore clairement défini, il existe un risque non négligeable que l’administration fiscale remette en cause votre déclaration d’impôt sur le revenu, notamment si vous ne déclarez ces gains que lors de la revente des actifs numériques reçus.
En effet, dans cette hypothèse, l’administration fiscale pourrait considérer que vous avez minoré vos revenus imposables les années de perception de ces gains, et vous imposer à hauteur de la valeur en euros des actifs numériques reçus, voire vous soumettre à des pénalités.
L’approche la moins risquée pourrait donc consister en la déclaration de produits imposables à chaque perception de crypto-monnaies liée à ces opérations (en prenant leur valeur en euros au jour de leur entrée dans votre portefeuille numérique), et ce dans la catégorie d’imposition des BNC.
Dans cette hypothèse, les gains perçus feraient l’objet d’un abattement de 34 % (si vous réalisez moins de 77 000 euros de chiffre d'affaires en BNC) avant d’être imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu.
Exemple :
Si vous recevez en janvier 2024 0,1 BTC pour votre activité de minage, correspondant à 4 000 euros au jour de réception dans votre portefeuille numérique, vous serez imposés sur un revenu de 2 640 euros.
4. Face à ces zones d’ombre, que faire ?
Qu’est-ce que le lending ?
Le lending de cryptomonnaies est une activité qui consiste à prêter des actifs numériques à des emprunteurs via des plateformes. Concrètement, cela signifie que les prêteurs mettent à disposition leurs cryptomonnaies pour des périodes déterminées à des personnes souhaitant emprunter des actifs numériques.
En retour, les prêteurs reçoivent des jetons , souvent sous forme de la même cryptomonnaie qu'ils ont prêtée (en fonction des plateformes). Cette méthode offre une opportunité de gains passifs sans nécessiter d'investissements substantiels en matériel informatique, mais peut comporter des risques liés à la volatilité des cryptomonnaies et à la solvabilité des emprunteurs.
Les potentiels régimes d’impositions des gains du lending
Le régime d’imposition du lending a reçu moins de précisions que celui des opérations de mining, ce qui implique de grandes incertitudes sur les modalités de déclaration de ces gains.
Ces gains pourraient relever de trois catégories d’impositions différentes :
Des intérêts de prêt ?
Dans la mesure où le lending s’apparente économiquement à un prêt, les cryptomonnaies reçus en échange pourraient fiscalement être considérés comme des intérêts. Les valeurs en euros de ces cryptomonnaies reçues seraient alors imposées à la flat-tax, au taux de 30%.
Cependant, en l’état actuel des règles fiscales, il n’est pas certain que ces cryptomonnaies puissent être assimilées à des intérêts.
Des BNC ?
Contrairement aux opérations de staking ou de mining, les opérations de lending d’actifs numériques ne participent pas en elles-mêmes au fonctionnement de la blockchain.
Ces gains pourraient tout de même être imposés selon les règles des BNC, dans la mesure où cette catégorie est parfois une catégorie « balais » de l’impôt sur le revenu. Cette catégorie d'imposition semblerait donc être la plus cohérente dans la mesure ou de tels gains pourraient difficilement être rangés dans une autre catégorie d'imposition.
Des plus-values ?
La logique d’imposition des plus-values pourrait s’appliquer aux actifs numériques reçus en contrepartie des opérations de lending, les gains afférents n’étant imposés qu’au moment de leur revente, les jetons reçus étant considérés comme obtenus gratuitement.
3. La fiscalité du lending : des incertitudes plus nombreuses encore
Qu'est-ce que le staking ?
Le staking de cryptomonnaies est une activité qui consiste à immobiliser une certaine quantité de cryptomonnaie dans un portefeuille pour permettre le fonctionnement d'une blockchain, par le biais d'un processus de « proof-of-stake ».
En retour de cette participation, les investisseurs reçoivent des récompenses sous forme de cryptomonnaies (par exemples de unités d’Ethereum), comme en matière de mining. Cette méthode ne nécessite pas d'investissements substantiels en matériel informatique comme le minage, mais repose sur la détention et l'engagement de crypto-monnaies pour obtenir des gains passifs.
L'imposition des gains du staking
Le régime d’imposition des gains du staking n’a pas encore été précisé par la jurisprudence fiscale ou la doctrine administrative.
Néanmoins, dans la mesure où le staking correspond également à une participation à la création ou au fonctionnement des blockchains sur lesquelles reposent les crypto-monnaies, le raisonnement tenu par le Conseil d’Etat dans l’arrêt cité précédemment pourrait trouver à s'appliquer.
Le régime fiscal des gains du staking devrait donc être identique à celui exposé précédemment en matière de mining : dès lors, les mêmes incertitudes existent quand à l'année et aux modalités d'imposition lors de la perception de la récompense sous forme de cryptomonnaies.
2. La fiscalité du staking : des règles semblables au mining ?
Le code général des impôts pourrait évoluer prochainement :
La deuxième approche (imposition en BNC lors de la perception des crypto-monnaies) avait été envisagée par le législateur lors de l’étude du projet de loi de finances pour 2024, mais n’a finalement pas été adoptée.
Un prochain projet de loi de finance pourrait donc reprendre cette solution.
Qu’est-ce que le mining ?
Le crypto mining (ou minage de cryptomonnaies) est une activité qui consiste à utiliser des ressources informatiques pour valider les transactions sur une blockchain afin de la faire fonctionner.
Concrètement, cela implique que les mineurs aient recours à des investissements substantiels en matériel informatique et en logiciels spécialisés afin de résoudre des calculs mathématiques complexes (processus de « proof-of-work »). Lorsqu’un calcul est effectué, le mineur reçoit une récompense sous forme de cryptomonnaies, par exemple du bitcoin.
Comment sont imposés les gains du mining ?
Le Conseil d’Etat, juridiction suprême en matière administrative, a jugé le 26 avril 2018 que "les gains issus d'une opération de cession (...) d'unités de bitcoin sont ainsi susceptibles d'être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux dans la mesure où ils (...) sont la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement de ce système d'unité de compte virtuelle"
Une interprétation littérale de ces termes semblerait indiquer que les mineurs ne sont imposés que lorsqu’ils cèdent les cryptomonnaies reçues en raison de leur activité de minage. La doctrine administrative publiée à la suite de cet arrêt (BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40, § 1080) ne semble d’ailleurs par remettre en cause cette lecture relativement avantageuse pour les contribuables.
Néanmoins, une approche plus traditionnelle en matière d’impôt sur le revenu serait de considérer qu’un revenu imposable nait lors de la perception de l’unité de cryptomonnaie en contrepartie de l’activité de minage ; il serait donc nécessaire de calculer un gain en euros à chaque attribution de crypto-monnaies. Dans cette hypothèse, une deuxième imposition aurait lieu lors de la revente si une plus-value était constatée.
Exemple :
Un mineur a reçu en janvier 2024 0,1 BTC pour son activité de minage (soit 4 000 euros au jour où il le reçoit), qu’il cède en janvier 2025 pour 7 000 euros.
En suivant la première logique, il ne devrait pas déclarer de revenus à ce titre en 2024 et devrait déclarer 7 000 € de BNC en 2025 (la valeur d’acquisition étant réputée nulle).
En appliquant la deuxième approche, le contribuable devrait déclarer un produit de 4 000 euros en 2024 dans ses BNC. Lors de la revente, il serait imposé au titre d’une plus-value sur actifs numériques de 3 000 euros (7 000 – 4 000).
Par ailleurs, cette décision du Conseil d’Etat a affirmé que pour les contribuables qui acquièrent des cryptomonnaies en vue de les revendre, dans des conditions caractérisant l’exercice d’une profession commerciale, étaient imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).